Le cout de la colonisation et le prix de la liberté
   

James Connolly, théoricien et acteur majeur de l'insurrection de Paques 1916, executé lors de la féroce répression anglaise

De tous les pays celtes des îles britanniques, ce fut l'Irlande qui ressentit certainement le plus durement la colonisation anglaise, d'abord pendant sa période de servitude, puis lorsqu'elle tenta par plusieurs fois de s'émanciper. La proximité de la métropole du colonisateur, et le rôle qu'avait prit l'Irlande dans l'équilibre de son économie, notamment au point de vue agricole (l'Irlande est plus fertile que la Grande-Bretagne, et lui a toujours servi de grenier à blé), fit longtemps renacler Londres à accorder une liberté pourtant devenue inévitable.

La perversité de cette colonisation provoqua des guerres fratricides, mais aussi des famines abominables, dont les conséquences se font encore sentir de nos jours. Ainsi, l'Irlande était jusqu'au milieu du XIXe un pays très peuplé pour les standards de l'époque (8 millions en 1841). La famine en tua un million, et poussa à l'émigration un autre million. En 1856, il ne restait que 6 millions d'Irlandais. Mais la saignée ne s'arrêta pas en si bon chemin, car la stagnation économique causée par l'administration directe de Londres poussa encore de nombreuses générations d'Irlandais à émigrer, vers les Etats-Unis ou l'Australie. On estime ainsi qu'entre 1801 et 1921, c'est de près de 8 millions d'âmes que fut privée l'Irlande. A partir de cette période, la baisse se stabilisa progressivement, pour cesser peu après la deuxième guerre, et ce n'est qu'avec les années soixante et soixante-dix que les courbes émographiques repartirent timidement à la hausse. De nos jours encore, l'Irlande est un pays sous-peuplé, avec 5 millions d'habitants dans toute l'île pour 85000 km2, soit une densité de 58 habitants par km2. A titre de comparaison, celle de la France est de près de 110, densité qui reste assez basse par rapport à ses voisins belge, allemand, ou britannique.

Il y a des raisons d'espérer, cependant, car l'Irlande est actuellement un pays à l'économie vigoureuse, à la population jeune (46% des habitants ont moins de 25 ans), et qui est en passe de devenir un pays très riche. Le revenu par habitant des Irlandais est ainsi passé depuis quelques années devant celui des britanniques, et de bénéficiaire net de l'aide européenne, l'Irlande est devenue depuis quelques années contributrice nette.
    Revenons sur ce parcours historique, émaillé de tant de drames...

 

L'Irlande de l'âge de pierre

Le tumulus de Newgrange, 2400-2600 av. J.C

Les premières traces d'une occupation humaine en Irlande sembent remonter au Xe millènaire. Ces vestiges sont cependant peu nombreux et offrent peu d'indices sur la culture de ce peuple du mésolithique. Les tribus du néolithique, qui s'installent vers 3500,  ont laissé plus de traces de leur passage, à commencer par les nombreux dolmens et tumulus qui parsèment l'Irlande. Vers 2000, une nouvelle vague d'immigrants introduit progressivement le bronze en Irlande, et des mines de cuivre voient le jour dans le Kerry et le Cork. De l'or est également extrait des montagnes de Wicklow. On ne sait pas énormément de choses sur ce peuple des mégalithes, si ce n'est qu'il offre beaucoup de similitudes avec les autres représentants de cette civilisation sur le continent à la même époque. Quelques ossements semblent indiquer qu'il aurait pu s'agir d'un groupe ethnique méditérranéen de petite taille, très majoritairement dolicocéphale. La littérature du cycle mythologique semble confirmer cette hypothèse, mais il faut sans doute accorder peu de crédit à ces récits déformés par le temps. Quoi qu'il en soit, il semblerait que, attirés par les richesses de l'île, des petits groupes de celtes halstattiens aient débarqué à partir d'une date qui reste assez incertaine. Les hypothèses émises vont du VIIIe au VIe siècle. Les raisons de cette incertitude tiennent à l'absence de traces manifeste d'invasion ou de changement brutal dans les vestiges archéologiques, traces plus visibles dans d'autres régions celtisées comme la Gaule. Mais dans tous les cas, il est à peu près manifeste que les celtes soumirent rapidement ces peuples aborigènes, notamment grâce à leur maîtrise de la métalurgie du fer, inconnue dans l'île jusqu'alors. Ils y imposèrent leurs techniques, leur religion, leur culture et leur langue.

 

L'Irlande Gaëlique   

Le site de Tara, à proximité de Dublin, province du Leinster

Les Gaëls achevèrent rapidement la soumission de l'île, et vers les IIIe-IIe siècle, une vague d'invasion latènienne acheva et renforça la celtisation de l'île. On ne précisera pas davantage les caractéristiques de la société gaélique, car on y retrouve les traits de toute société celtique, comme détaillés dans la partie Histoire. Il convient en revanche de préciser que cette société trouva en Irlande un terrain idéal pour s'épanouir librement, isolée des invasions romaines et des influences méditérranéennes en général. Il y eut bien quelques comptoirs romains sur les côtes, mais jamais les légionnaires ne prirent pied en terre d'Irlande. Cela fut d'ailleurs facteur d'un certain retard dans la maturité politique de la société, qui resta longtemps très divisée, à l'image du monde celte.

Mais en contrepartie, l'île offrait encore au bas moyen-âge le spectacle d'une société celtique authentique, à une époque ou toute trace en avait disparu sur le continent. L'Irlande gaélique se présentait sous la forme d'une nuée de petits royaumes, de tribus (tuath) comprenant chacune un roi, une assemblée d'hommes libres et un sénat. La royauté n'était pas héréditaire mais éléctive, au sein de l'aristocratie, et plus souvent de la famille du roi. Les guerres et pillages étaient généralement incessants entre les royaumes, et les légendes irlandaises regorgent de récit de razzias et d'équipées sur les terres des voisins. Ces petits royaumes se  fédérèrent vers le début de l'ère chrétienne en 5 royaumes puissants gouvernés par des rois provinciaux (ri ruirech ou ri coicid) : l'Ulster, avec Emain pour capitale, le nord-Leinster avec Tara pour capitale, le sud-Leinster avec Dinn Rig pour capitale, le Munster, capitale Temuir Erann, et le Connaught, capitale Gruachain. La rivalité entre ces royaumes dura pendant tout le moyen-âge. Il exista bien à plusieurs reprises un titre de Ard-Ri (haut roi), occupé par divers rois locaux successivement, mais il était plus honorifique que réel. Le couronnement avait lieu sur le site de Tara (photo ci-contre). En revanche, l'unité culturelle de l'île était beaucoup plus achevée : une seule langue, le gaélique, une grande unité artistique, une seule religion, et un seul système juridique coutumier, dit droit brehon.

 

La christianisation et l'âge d'or irlandais  

Le calice d'Ardagh, bronze doré orné de filigranes d'or et de cabochons, début du VIIIe siècle, Musée nat. d'Irlande, Dublin

On peut sans doute pour le cas de l'Irlande étudier conjointement la fin de l'antiquité, qui vit la christianisation de l'île, et le début du haut moyen-âge. Car contrairement au reste de l'Europe, il n'y eu pas en Irlande de rupture majeure entre ces deux périodes. En Irlande, la structure archaïque était en effet restée intacte de toute époque, et ne vécut pas de changements majeurs lors de la fin de l'antiquité ; l'Irlande ne fut jamais conquise par Rome et n'eut pas à subir les conséquences politiques de la fin de l'empire ; elle n'eut pas à subir non plus d'invasions barbares, au moins dans un premier temps. La principale rupture, finalement, se situe aux environs de 420-430, lors de la christianisation par Saint Patrick (Padraig en gaélique). Les circonstances et les conséquences en ont déjà été exposées (voir le christianisme, renaissance insulaire ?).    Pour le reste, si les structures religieuses changent radicalement au tournant du Ve siècle, la vie politique reste la même : entre les cinq royaumes, les guerres succèdent aux razzias. Quoi qu'il en soit, cette période constitue ce qu'il convient d'appeler l'âge d'or irlandais, avec le fantastique essor des centres spirituels qu'on lui connaît, qui outre leur vocation d'enseignement et de copisme, accueillirent aussi nombre de réfugiés fuyant les trouble sur le continent. L'art - pas exclusivement religieux - atteint alors à cette période un degré absolu de maîtrise et d'esthétique. Les plus beaux exemples de l'art irlandais datent de cette période : ainsi, le calice d'Ardagh (ci-dessus) et la broche de Tara (ci-contre).

 

Les invasions scandinaves

Broche de Tara, première moitié du VIIIe siècle

La situation n'évolua qu'à partir de la fin du VIIIe siècle, sous la pression des évènements. En effet, en 795, les Vikings scandinaves, attiré par la prospérité de l'île, montraient pour la première fois leurs voiles à l'horizon. Quelques pillages ponctuels précèdent leur départ rapide. Mais à partir de 852, Norvégiens et Danois ravagèrent le pays - pillant en priorité les monastères-, et s'installèrent dans la région de Dublin et en Ulster.

        L'occupation partielle du pays dura alors plusieurs siècles, et les Gaëls ne purent les soumettre définitivement qu'au tournant des Xe-XIe siècle, grâce à la figure légendaire de Brian Boru, qui remporta sur eux la victoire décisive de Clontarf, en 1014, ou il trouva malheureusement la mort. Les Norvégiens et les danois ne quittèrent jamais l'île, mais soumis, ils furent progressivement assimilés à la population locale. L'époque des invasions scandinaves marqua une profonde régression économique et sociale de l'Irlande. Mais l'île gagna tout de même l'usage de la monnaie, introduite par les envahisseurs, ainsi qu'une généralisation des constructions religieuses en pierre qui s'épanouit à partir du IXe siècle.

        Plus que la force de ces Scandinaves, ces tentatives d'invasion avaient démontrées la faiblesse des structures politiques de l'Irlande, héritées du tribalisme celte. L'île, divisée, ne put jamais s'unir complètement face aux envahisseur, et lors de la victoire de Clontarf, les vikings étaient même alliés au roi de Leinster, Mac Morda. Le règne de Brian Boru, qui fut un haut roi énergique et qui sut imposer son autorité, ne fut qu'anecdotique. Dès 1022, les dissensions reprirent de plus belle, et jamais un autre roi ne parvint à faire l'unité de l'Irlande. C'est sur ce terreau idéal que les Franco-Normands, devenus Anglo-Normands après leur conquète de l'Angleterre en 1066, trouvèrent un terrain idéal pour leur soif de conquètes.

 

L'occupation Anglo-Normande

Richard II rentrant en Angleterre, miniature extraite de la chronique de Jean Creton, début du XVe siècle

Avant de parler des invasions normandes, il faut préciser l'état de l'Irlande au tournant de l'an mil. De profonds renouvellements religieux avaient marqués la période des invasions scandinaves, et en raison de l'isolement de l'île, le clergé avait sur de nombreux points développé des pratiques très particulières, qui constituaient de graves manquements à la coutume romaine. Ainsi, la hiérarchie épiscopale n'était pas respectée ; la fixation de la date de la Pâques continuait à obéïr à des règles propres. Plusieurs réformes postérieures, initiées par des liaisons avec le siège épiscopal de Cantorbéry, et par les missions religieuses irlandaises sur le continent, avaient fini par avoir raison de cette organisation, ramenant ainsi l'Eglise irlandaise dans le droit chemin de la règle romaine.

Mais il était resté au clergé local une certaine réputation d'indépendance, voire d'indocilité. Bien qu'exagérée, cette réputation servit cependant de prétexte aux Anglo-Normands pour prendre pied en Irlande. Il semble cependant qu'en premier lieu, ce fut un Irlandais, Dermot Mac Murrough, roi de Leinster, qui fit appel aux Anglo-Normands pour régler un conflit de succession, étant aux prises avec un reliquat de soulèvement viking. Le comte de Pembroke, Richard de Clare, fut le premier à s'y aventurer avec la bénédiction de Henri II, roi d'Angleterre. Après quelques années et un soulèvement irlandais, ce dernier finit par débarquer lui même en 1171 à la tête d'une puissante armée, et obtint rapidement la soumission de toute l'île. Pour justifier son intervention Henri excipa de la bulle papale Laudabiliter, par laquelle Adrien IV lui donnait l'Irlande pour remettre l'Eglise d'Irlande au pas. On pense maintenant qu'il put s'agir d'un faux forgé après coup. Mais cela ne change rien au fond : c'est sur un fondement religieux que Henri justifia cette invasion.

 

Les premiers anglo-normands, "Ipsis Hibernis hiberniores" : plus irlandais que les irlandais eux mêmes.

L'occupation Anglo-Normande fut pendant longtemps imparfaite, et jusqu'à la fin du moyen-âge, seule la région de Dublin se trouvait sous le contrôle réel de Londres. Dans le reste du pays, les barons conquirent de nombreux fiefs qu'ils enlevèrent aux chefs gaëliques. Mais ces derniers, en Ulster et en Connaught, gardèrent pendant longtemps une grande indépendance sur leurs terres. Qui plus est, les familles anglo-normandes, après avoir enlevé ces terres à l'aristocratie gaëlique, s'installèrent sur place, et fondèrent des dynasties qui, par le jeu d'alliances et de mariages, se fondirent rapidement dans la population gaëlique, devenant ainsi souvent plus irlandaises que les irlandais. En effet, les Anglo-Normands, contrairement à leurs pères Franco-Normands en Angleterre, ne débarquèrent jamais en assez grand nombre en Irlande pour subjuguer complètement les élites locales, et durent tous à un moment ou à un autre ajouter des compromis et des alliances à leurs conquètes militaires. Ainsi, nombre de familles de barons de vieille ascendance franco-normande, arrivée en Angleterre en 1066 avec Guillaume, gaëlicisèrent leur nom après leur installation en Irlande. Il adoptèrent le gaëlique comme langue véhiculaire, et se soumirent même au droit breton.

Ayant remplacé dans ses fonctions l'ancienne noblesse gaëlique et après avoir adopté sa culture, les barons anglo-irlandais la remplaçèrent aussi dans ses intérêts. Au cours du moyen-âge, ils développèrent un système économique et social cohérent, très indépendant de Londres. Battant eux-même monnaies, nommant shériffs et titulaires des charges, ils réunirent en 1297 un parlement à Dublin. La celtisation de la noblesse s'accompagna en outre d'une certaine naissance du sentiment national irlandais : le frère du roi d'Ecosse Robert Bruce, Edouard Bruce, fut appelé sur le trône en 1315 par les irlandais eux même, c'est à dire aussi par une partie de la noblesse anglo-irlandaise. Son règne fut de courte durée (2 ans), mais l'évènement suffit à provoquer l'émoi de la monarchie anglaise, qui toute occupée à agrandir ses possessions en France et à tenter vainement de soumettre l'Ecosse, avait négligé de soumettre l'Irlande.

 

La "pacification" anglaise

Quelques expéditions militaires anglaises aux effets limités eurent lieu vers 1360. Mais l'évènement majeur fut la proclamation peu après par le vice-roi Lionel de Clarence des statuts de Kilkenny qui, délimitant les limites des terres sous souveraineté anglaise, proclamait le reste du pays comme terre ennemie. A l'intérieur des terres anglaises, le droit et la langue anglaise étaient obligatoire, alors que les mariages entre Anglais et Gaëliques y étaient prohibés. Ces statuts, outrageants pour les anglo-irlandais autant que pour les irlandais de souche, ne tenaient pas compte de la réalité politique du pays, ou le pouvoir était en pratique dans les mains des grandes baronnies. Seule Dublin et une bande de terre aux alentours nommée le Pale, de plus en plus restreinte, voyaient ces statuts appliqués.

La prise de parti de l'Irlande dans la guerre de succession des deux roses en Angleterre à la fin du XVe, entre la maison de York et la maison de Lancastre, ainsi qu'un certain nombre d'évènements amena peu à peu l'Angleterre à s'intéresser de nouveau à l'île voisine. Henry VIII fut à ce titre le souverain le plus énergique envers l'Irlande, et parvint à se faire reconnaître roi d'Irlande et chef de l'Eglise irlandaise par le premier parlement national irlandais en 1541. La noblesse anglo-irlandaise semblait alors matée, et le problème reglé pour la couronne.

 

La réforme et la colonisation

N'eut été la réforme, il eut été probable que l'Irlande se soit peu à peu assagie, et tomba tranquillement sous domination anglaise, comme ce fut le cas quelques décennies plus tard pour l'Ecosse. Mais la question religieuse vint rapidement et singulièrement compliquer la situation. Dès 1545, face à la déchéance de l'Eglise catholique proclamée par Henry VIII, la fermeture des monastères, la confiscation des biens de l'Eglise et les provocations des protestants, l'Irlande se souleva en révoltes violentes, menées par une partie de l'aristocratie anglo-irlandaise. La repression anglaise fut d'une férocité inouïe. La couronne procéda également rapidement à des confiscations des terres et à leur redistribution à des colons anglais, un procédé qu'elle généralisa par la suite. La fin du XVIe fut particulièrement atroce pour les irlandais. Les trois dernières révoltes furent effroyablement écrasées, dont celle menée par le dernier espoir des irlandais, Hugh O'Neill, comte de Tyrone, gouverneur de l'Ulster, qui se soumit définitivement en 1603.

L'Irlande, écrasée et depeuplée par les guerres, fut progressivement étouffée par les confiscations et la colonisation, le phénomène allant en s'accroissant. Dès le règne de Jacques Ie, des colons presbytériens anglais et écossais, persécutés par le régime de l'Eglise officielle anglicane, se regroupèrent en Ulster, le dernier bastion gaëlique tombé aux mains des anglais après la défaite de O'Neill. Ils y inaugurèrent une tradition de fanatisme savamment entretenue, et qui dure encore de nos jours...

        La situation devint rapidement insupportable, pour les irlandais comme pour la noblesse celtisée. La religion devint un fossé irréductible entre d'un coté les populations natives et la noblesse de l'île, et de l'autre les colons et la couronne. Charles Ie, en 1641, tenta de rétablir une semi-liberté pour les catholiques, mais le parlement irlandais, intransigeant, refusa le compromis. Les colons protestant fanatisés, soutenus par le parlement anglais qui venait de renverser Charles Ie, décidèrent alors l'extermination et la mise sous servage des irlandais.
      

Saint Georges piétinant le dragon irlandais

Toute l'Irlande catholique, noblesse incluse, se souleva alors la même année, menée par un descendant des O'Neill. Les massacres de colons protestants, bien qu'exagérés par les Anglais, furent nombreux (gravures ci-contre). La République anglaise, menée par Cromwell, réagit par la suite vigoureusement : sa fameuse et sauvage chevauchée irlandaise de 1649 est encore dans toutes les mémoires. Les témoignages s'accordent tous pour décrire le personnage comme un homme aussi fanatique que courageux et aussi cruel que brave. Deux massacres qu'il ordonna retentissent encore au travers des siècles : ceux du massacre des habitants de Drogheda et de Wexford. Il quitta l'île peu après, mais la guerre dura jusqu'en 1652.     

Cette date reste d'ailleurs marquée du sceau de l'infamie, puisque c'est cette année là que fut publié l'acte de "pacification", qui obligeait les catholiques à abandonner toutes leurs terres en Leinster, Munster et Ulster, pour se retirer en Connaught, la province la plus pauvre de l'île (il faut ici rappeler la phrase de Cromwell, qui lorsqu'on lui demandait ce qu'il fallait faire de certains ennemis capturés, répondait : "qu'on les envoie en enfer ou en Connaught"). Les Irlandais restèrent cependant en nombre sur leurs terres, mais dépossédées de leur titres, ils durent se mettre au service et à la merci des propriétaires anglais à qui elles furent distribuées. Ceux-ci étaient en général des nobles anglais ou des officiers de la Couronne n'ayant pas "démérité".

        La haine farouche que se vouaient auparavant catholiques et protestants se transforma alors progressivement en une haine sacrée, religieuse, fanatique, d'un coté comme de l'autre. Mais dans cette situation, il ne faut pas se tromper de cible : ce n'était pas dans la tradition de l'Eglise d'Irlande et du peuple irlandais de se jeter dans les bras de la papauté, bien au contraire. Seule la brutalité, l'intransigeance, l'avidité et la cruauté des anglais les y contraint. Un extrême en entraine forcément un autre.

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